Les Utopiens !
Page 1 sur 1
Les Utopiens !
https://comptoir.org/2016/10/12/relire-lutopie-500-ans-plus-tard-la-philosophie-une-arme-revolutionnaire/
Relire « L’Utopie » 500 ans plus tard : la philosophie, une arme révolutionnaire ?
Il est des lectures qui laissent perplexes, tant elles dépeignent avec une actualité frappante la société contemporaine malgré les siècles qui séparent leur écriture de cette dernière. « L’Utopie », de Thomas More, parue il y a précisément 500 ans, en est assurément l’un des exemples les plus évocateurs. De quoi nous donner à réfléchir, et l’envie de décortiquer les passages les plus pertinents de cette œuvre magistrale.
Les deux protagonistes centraux de L’Utopie sont Morus et le navigateur Raphaël Hythlodée. Pour répondre à Morus qui est « d’opinion qu’on ne peut vivre commodément là où toutes choses sont communes », Raphaël va présenter le système utopien et, devrait-on dire, utopique. Voici les points saillants de cette description riche de détails et d’idées à étudier à l’aune de la situation contemporaine.
Dans le contexte d’un débat virulent sur la redéfinition de la laïcité à la française, il est intéressant de voir que les Utopiens autorisent une totale liberté religieuse, tant que cette liberté ne devient une contrainte dans la vie de personne. Thomas More développe cette idée bien qu’il soit lui même très catholique et que l’unité religieuse en Europe n’ait pas encore été remise en cause par Henri VIII au moment de la rédaction de L’Utopie. Il apparaît ainsi comme un précurseur de la pensée laïque, et fait preuve d’une grande ouverture d’esprit pour son époque et pour un écrivain au tempérament aussi pieux.
Relire « L’Utopie » 500 ans plus tard : la philosophie, une arme révolutionnaire ?
Il est des lectures qui laissent perplexes, tant elles dépeignent avec une actualité frappante la société contemporaine malgré les siècles qui séparent leur écriture de cette dernière. « L’Utopie », de Thomas More, parue il y a précisément 500 ans, en est assurément l’un des exemples les plus évocateurs. De quoi nous donner à réfléchir, et l’envie de décortiquer les passages les plus pertinents de cette œuvre magistrale.
Publiée en 1516, « L’Utopie » est décomposée en deux livres, le premier traite des questions de bon gouvernement et le second décrit l’île d’Utopia, fiction célèbre qui offrit à la littérature un style éminent et au vocabulaire un terme qui a traversé les siècles : l’utopie. Pour faire honneur à l’œuvre de More, nous vous proposons un article en deux parties. Voici la seconde.
Les deux protagonistes centraux de L’Utopie sont Morus et le navigateur Raphaël Hythlodée. Pour répondre à Morus qui est « d’opinion qu’on ne peut vivre commodément là où toutes choses sont communes », Raphaël va présenter le système utopien et, devrait-on dire, utopique. Voici les points saillants de cette description riche de détails et d’idées à étudier à l’aune de la situation contemporaine.
L’île des Utopiens, la preuve par l’exemple
Dans le contexte d’un débat virulent sur la redéfinition de la laïcité à la française, il est intéressant de voir que les Utopiens autorisent une totale liberté religieuse, tant que cette liberté ne devient une contrainte dans la vie de personne. Thomas More développe cette idée bien qu’il soit lui même très catholique et que l’unité religieuse en Europe n’ait pas encore été remise en cause par Henri VIII au moment de la rédaction de L’Utopie. Il apparaît ainsi comme un précurseur de la pensée laïque, et fait preuve d’une grande ouverture d’esprit pour son époque et pour un écrivain au tempérament aussi pieux.
Evea- Messages : 80
Date d'inscription : 22/11/2019
Re: Les Utopiens !
https://blogs.mediapart.fr/vincent-dubail/blog/170119/parti-politique-et-lutopie-realiste-en-2019-soyons-des-reveurs-constructifs
Parti politique et l'utopie réaliste: en 2019 soyons des rêveurs constructifs
Deux militants écologistes, Vincent Dubail et Claire Lejeune défendent l'importance des partis politiques dans le débat sociétal comme cristallisation des utopies et forces collectives de revendications, d’émancipation et de liberté. A contrario du mouvement amorcé, ils souhaitent montrer le lien nécessaire de l'engagement citoyen dans la politique pour réussir la transition écologique.
A notre habitude, nous échangions dans la rue le week-end dernier avec des citoyens sur le sujet de l’écologie. Notre but comme depuis maintenant 6 mois était de connaitre le vécu des personnes vis-à-vis de l’écologie. A l’aide d’un stylo et d’un questionnaire, nous posions des questions « quel est votre rapport à l’écologie ?», « Connaissez-vous EELV ? ». Rompu à l’exercice les réponses s’enchainent souvent dans la rigolade et pour d’autres en gardant notre mine sérieuse. Mais toujours avec des sourires.
En prenant de la hauteur, on reconnait des réponses et des attitudes similaires. Il y a l’individu qui esquive, qui refuse de répondre par peur qu’on lui extorque de l’argent ou autre. Il y a celui qui répond mais sans conviction. Il y a celui qui essai de faire de l’écologie en triant ses déchets ou en se mettant au vélo, mais pensent ne pas en faire assez. Il y a cette femme, cet homme, ce jeune, ce vieux.
C’est drôle à écouter. Les mots qui reviennent souvent vis-à-vis de l’écologie ce sont « il faut du pragmatisme », « arrêtez de culpabiliser les gens », « soyez un vrai parti », « faite des alliances sinon vous ne gagnerez jamais », « moi je ne vote pas pour un parti qui ne vit qu’aux crochets des autres ». Les réponses sont intéressantes, et forment un ensemble qui peut paraître contradictoire. Ce n’est pas en soi un problème ; nous sommes constitués de fourmillements constants et d’injonctions contradictoires sans que cela nous dérange pour vivre. L’exemple le plus criant est le changement climatique. Pour endiguer l’accroissement d’une augmentation de 2° il suffirait d’agir et pourtant….rien, ou pas grand chose.
Au-delà de ces réflexions, nous souhaitons revenir sur ce terme « pragmatique » entendu également de la bouche de la jeunesse. Donc les partis et surtout EELV devraient devenir « pragmatique ». Nous aurions en tant que parti une interdiction formelle aux utopies, et ne devrions nous permettre ni de les penser, ni de les rêver. Le choix d’entrer dans l’arène politique entrainerait une obligation de renoncer à être des rêveurs. De croire à un monde meilleur. Une obligation de nous soumettre au principe de réalité. Aurions-nous donc oublié dans notre histoire commune la Révolution Française, le Front Populaire, et tous les autres épisodes qui démontrent la formidable capacité d’invention et de mobilisation dans les luttes sociales qui est celle du peuple français ? Nous ne le pensons et pourtant…Rien ou si un début avec les gilets jaunes, un soulèvement populaire dont la radicalité -tant dans la forme des mobilisations que dans les revendications formulées- démontrent bien qu’il y a une soif généralisée de quelque chose d’entièrement nouveau.
Un monde sans utopie, nous n’en voulons pas. Un parti doit pouvoir cristalliser des utopies sinon autant ne rien changer et se contenter du monde tel qu’il est. La politique n’existe que dans cette révolte contre l’état des choses, transformée en rêve commun et traduite en programme d’actions. Un monde sans utopie est un monde sans politique : un monde où le seul mode d’action sur le collectif est la gestion technocratique, l’ajustement, dont le sous-entendu idéologique est que globalement tout va bien, qu’il suffit de bien tenir la barre, d’étouffer la grogne populaire, de réagir aux crises qui ne sont somme toute, que des défaillances d’un système certes imparfait mais somme toute fonctionnel.
Dépassant ce cantonnement de la chose politique à la réaction, nous devons réinstituer l’action, c’est-à-dire la capacité d’invention de la politique, la possibilité pour les hommes et les femmes politiques de faire naître quelque chose d’inédit. Nous nous devons de proposer une utopie, une vision du monde qui transcende le présent et l’emporte vers un point meilleur qu’aujourd’hui. C’est pourquoi à contrario du mouvement souhaité, nous proposons de réhabiliter les termes désuets d’utopisme et d’engagement.
Il faut aujourd’hui que nous réalisions au vu de la gravité des enjeux, que la seule manière d’être pragmatiques est bien de proposer une utopie : nous devons en l’espace de quelques années transformer de manière radicale nos modes de vie, de consommation, nos manières de faire société, nos modèles politiques…Nous devons rapidement faire tomber l’ancien monde et en réinventer un nouveau.
Si les écologistes à la sensibilité très accrue, pourtant très attachés à la notion de liberté ont choisi la forme partisane c’est que qu’ils y voient une potentialité de réussite collective. Mais aussi qu’ils ont conscience que la liberté n’est rien si elle ne fait pas l’objet d’un projet de société où sont élaborés les outils permettant l’émancipation de chacun. Sous l’égide d’un travail collectif ils proposent de construire une vision d’avenir. Car à l’heure où les horizons se referment, c’est plus que jamais cela, le but d’un parti politique.
Nous avons à choisir dans les récits de l’anthropocene ou capitalocene, ceux d’une époque où l’imaginaire technologique et mercantiliste, a pris le pas sur l’imaginaire politique et social collectif, nous proposons de « réinstituer » la citoyenneté dans des organisations partisanes comme un parti politique, dont la tâche est aujourd’hui de parvenir à recréer les liens perdus avec la société civile. Car si la citoyenneté veut pouvoir être refondée, cela ne pourra passer que par les luttes électorales et sociales, qui sont les compléments incontournables des luttes collectives et associatives qui aujourd’hui redonnent vie à nos territoires. Il faut retrouver le symbolisme de l’engagement comme acte fort.
S’engager c’est déjà commencer à agir. La première pierre est mentale : elle consiste à se représenter le monde comme quelque chose que nous avons le pouvoir de transformer...
Parti politique et l'utopie réaliste: en 2019 soyons des rêveurs constructifs
- 17 JANV. 2019
- : LE BLOG DE VINCENT DUBAIL
Deux militants écologistes, Vincent Dubail et Claire Lejeune défendent l'importance des partis politiques dans le débat sociétal comme cristallisation des utopies et forces collectives de revendications, d’émancipation et de liberté. A contrario du mouvement amorcé, ils souhaitent montrer le lien nécessaire de l'engagement citoyen dans la politique pour réussir la transition écologique.
A notre habitude, nous échangions dans la rue le week-end dernier avec des citoyens sur le sujet de l’écologie. Notre but comme depuis maintenant 6 mois était de connaitre le vécu des personnes vis-à-vis de l’écologie. A l’aide d’un stylo et d’un questionnaire, nous posions des questions « quel est votre rapport à l’écologie ?», « Connaissez-vous EELV ? ». Rompu à l’exercice les réponses s’enchainent souvent dans la rigolade et pour d’autres en gardant notre mine sérieuse. Mais toujours avec des sourires.
En prenant de la hauteur, on reconnait des réponses et des attitudes similaires. Il y a l’individu qui esquive, qui refuse de répondre par peur qu’on lui extorque de l’argent ou autre. Il y a celui qui répond mais sans conviction. Il y a celui qui essai de faire de l’écologie en triant ses déchets ou en se mettant au vélo, mais pensent ne pas en faire assez. Il y a cette femme, cet homme, ce jeune, ce vieux.
C’est drôle à écouter. Les mots qui reviennent souvent vis-à-vis de l’écologie ce sont « il faut du pragmatisme », « arrêtez de culpabiliser les gens », « soyez un vrai parti », « faite des alliances sinon vous ne gagnerez jamais », « moi je ne vote pas pour un parti qui ne vit qu’aux crochets des autres ». Les réponses sont intéressantes, et forment un ensemble qui peut paraître contradictoire. Ce n’est pas en soi un problème ; nous sommes constitués de fourmillements constants et d’injonctions contradictoires sans que cela nous dérange pour vivre. L’exemple le plus criant est le changement climatique. Pour endiguer l’accroissement d’une augmentation de 2° il suffirait d’agir et pourtant….rien, ou pas grand chose.
Au-delà de ces réflexions, nous souhaitons revenir sur ce terme « pragmatique » entendu également de la bouche de la jeunesse. Donc les partis et surtout EELV devraient devenir « pragmatique ». Nous aurions en tant que parti une interdiction formelle aux utopies, et ne devrions nous permettre ni de les penser, ni de les rêver. Le choix d’entrer dans l’arène politique entrainerait une obligation de renoncer à être des rêveurs. De croire à un monde meilleur. Une obligation de nous soumettre au principe de réalité. Aurions-nous donc oublié dans notre histoire commune la Révolution Française, le Front Populaire, et tous les autres épisodes qui démontrent la formidable capacité d’invention et de mobilisation dans les luttes sociales qui est celle du peuple français ? Nous ne le pensons et pourtant…Rien ou si un début avec les gilets jaunes, un soulèvement populaire dont la radicalité -tant dans la forme des mobilisations que dans les revendications formulées- démontrent bien qu’il y a une soif généralisée de quelque chose d’entièrement nouveau.
Un monde sans utopie, nous n’en voulons pas. Un parti doit pouvoir cristalliser des utopies sinon autant ne rien changer et se contenter du monde tel qu’il est. La politique n’existe que dans cette révolte contre l’état des choses, transformée en rêve commun et traduite en programme d’actions. Un monde sans utopie est un monde sans politique : un monde où le seul mode d’action sur le collectif est la gestion technocratique, l’ajustement, dont le sous-entendu idéologique est que globalement tout va bien, qu’il suffit de bien tenir la barre, d’étouffer la grogne populaire, de réagir aux crises qui ne sont somme toute, que des défaillances d’un système certes imparfait mais somme toute fonctionnel.
Dépassant ce cantonnement de la chose politique à la réaction, nous devons réinstituer l’action, c’est-à-dire la capacité d’invention de la politique, la possibilité pour les hommes et les femmes politiques de faire naître quelque chose d’inédit. Nous nous devons de proposer une utopie, une vision du monde qui transcende le présent et l’emporte vers un point meilleur qu’aujourd’hui. C’est pourquoi à contrario du mouvement souhaité, nous proposons de réhabiliter les termes désuets d’utopisme et d’engagement.
Il faut aujourd’hui que nous réalisions au vu de la gravité des enjeux, que la seule manière d’être pragmatiques est bien de proposer une utopie : nous devons en l’espace de quelques années transformer de manière radicale nos modes de vie, de consommation, nos manières de faire société, nos modèles politiques…Nous devons rapidement faire tomber l’ancien monde et en réinventer un nouveau.
Si les écologistes à la sensibilité très accrue, pourtant très attachés à la notion de liberté ont choisi la forme partisane c’est que qu’ils y voient une potentialité de réussite collective. Mais aussi qu’ils ont conscience que la liberté n’est rien si elle ne fait pas l’objet d’un projet de société où sont élaborés les outils permettant l’émancipation de chacun. Sous l’égide d’un travail collectif ils proposent de construire une vision d’avenir. Car à l’heure où les horizons se referment, c’est plus que jamais cela, le but d’un parti politique.
Nous avons à choisir dans les récits de l’anthropocene ou capitalocene, ceux d’une époque où l’imaginaire technologique et mercantiliste, a pris le pas sur l’imaginaire politique et social collectif, nous proposons de « réinstituer » la citoyenneté dans des organisations partisanes comme un parti politique, dont la tâche est aujourd’hui de parvenir à recréer les liens perdus avec la société civile. Car si la citoyenneté veut pouvoir être refondée, cela ne pourra passer que par les luttes électorales et sociales, qui sont les compléments incontournables des luttes collectives et associatives qui aujourd’hui redonnent vie à nos territoires. Il faut retrouver le symbolisme de l’engagement comme acte fort.
S’engager c’est déjà commencer à agir. La première pierre est mentale : elle consiste à se représenter le monde comme quelque chose que nous avons le pouvoir de transformer...
Evea- Messages : 80
Date d'inscription : 22/11/2019
Re: Les Utopiens !
https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-idees/le-journal-des-idees-du-mercredi-07-fevrier-2018
Après la fin des « grands récits », les utopies font retour dans les rêves d’émancipation, estime Nicolas Dutent dans L’Humanité, qui leur consacre aujourd’hui tout un dossier. Encore faut-il d’emblée conjurer les fantômes du passé comme le suggère Jean-Luc Nancy qui voit l’utopie « suspendue entre deux dangers » : celui « d'une totalisation et d’une saturation (et c'est la "vision du monde" écrasante et dominatrice) », ou à l’opposé, celui « d'un manque en perpétuelle attente de son remède (et c'est l’idée régulatrice ou la "valeur" en leurs formules bien-pensantes et désespérantes) ».
Dans sa présentation du grand classique de référence – Utopia, de Thomas More – la philosophe Simone Goyard-Fabre précisait que « loin de chercher l’évasion dans un ailleurs idéal, il construit, avec un étonnant réalisme, la charpente juridique et sociale d’une autre politique en laquelle se liguent, afin de conjurer la folie des hommes, les puissances institutionnelles et morales d’un anti-monde. Ce réalisme de l’altérité est, tout ensemble, une lutte politique et un combat spirituel ». Thierry Paquot, auteur notamment de Lettres à Thomas More sur son Utopie (et celles qui nous manquent), (La Découverte), insiste lui aussi sur le réalisme du récit utopique, qui « combine deux moments » : « une critique radicale de la société inique dans laquelle vit l’auteur » et la description d’une « société exceptionnelle découverte par hasard, telle une île qui ne se trouve nulle part ». L’humaniste dénonçait trois fléaux qui sont encore les nôtres : la guerre, l’accroissement des inégalités, contre laquelle il préconise la suppression de la propriété privée et de la monnaie, et enfin l’intolérance religieuse. Aujourd’hui, les utopies sont à la fois plus concrètes et diverses. Plutôt que la carte d’un territoire idéal, elles dessinent le morcellement d’un puzzle dont les pièces s’assemblent progressivement. C’est une forme nouvelle de réalisme associé au mouvement d’émancipation, qu’illustre le titre de l’ouvrage de Rutger Bregman, Utopies réalistes (Seuil) : « ce qu’il nous faut – écrit-il – ce sont des horizons alternatifs qui déclenchent l’imagination. Et je dis bien des horizons au pluriel ; des utopies en conflit entre elles, voilà après tout le meilleur moyen d’insuffler la vie à la démocratie.
Comme toujours, notre utopie commence modestement. Les fondements de ce que nous appelons aujourd’hui civilisation ont été posés il y a longtemps par des rêveurs qui marchaient au son de leurs propres tambours ». Évoquant le slogan de mai 68 « Soyez réalistes demandez l’impossible ! », il rappelle que « Chaque étape de la civilisation – la fin de l’esclavage, la démocratie, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes… a tout d’abord été une fantaisie utopique »...
Après la fin des « grands récits », les utopies font retour dans les rêves d’émancipation, estime Nicolas Dutent dans L’Humanité, qui leur consacre aujourd’hui tout un dossier. Encore faut-il d’emblée conjurer les fantômes du passé comme le suggère Jean-Luc Nancy qui voit l’utopie « suspendue entre deux dangers » : celui « d'une totalisation et d’une saturation (et c'est la "vision du monde" écrasante et dominatrice) », ou à l’opposé, celui « d'un manque en perpétuelle attente de son remède (et c'est l’idée régulatrice ou la "valeur" en leurs formules bien-pensantes et désespérantes) ».
Dans sa présentation du grand classique de référence – Utopia, de Thomas More – la philosophe Simone Goyard-Fabre précisait que « loin de chercher l’évasion dans un ailleurs idéal, il construit, avec un étonnant réalisme, la charpente juridique et sociale d’une autre politique en laquelle se liguent, afin de conjurer la folie des hommes, les puissances institutionnelles et morales d’un anti-monde. Ce réalisme de l’altérité est, tout ensemble, une lutte politique et un combat spirituel ». Thierry Paquot, auteur notamment de Lettres à Thomas More sur son Utopie (et celles qui nous manquent), (La Découverte), insiste lui aussi sur le réalisme du récit utopique, qui « combine deux moments » : « une critique radicale de la société inique dans laquelle vit l’auteur » et la description d’une « société exceptionnelle découverte par hasard, telle une île qui ne se trouve nulle part ». L’humaniste dénonçait trois fléaux qui sont encore les nôtres : la guerre, l’accroissement des inégalités, contre laquelle il préconise la suppression de la propriété privée et de la monnaie, et enfin l’intolérance religieuse. Aujourd’hui, les utopies sont à la fois plus concrètes et diverses. Plutôt que la carte d’un territoire idéal, elles dessinent le morcellement d’un puzzle dont les pièces s’assemblent progressivement. C’est une forme nouvelle de réalisme associé au mouvement d’émancipation, qu’illustre le titre de l’ouvrage de Rutger Bregman, Utopies réalistes (Seuil) : « ce qu’il nous faut – écrit-il – ce sont des horizons alternatifs qui déclenchent l’imagination. Et je dis bien des horizons au pluriel ; des utopies en conflit entre elles, voilà après tout le meilleur moyen d’insuffler la vie à la démocratie.
Comme toujours, notre utopie commence modestement. Les fondements de ce que nous appelons aujourd’hui civilisation ont été posés il y a longtemps par des rêveurs qui marchaient au son de leurs propres tambours ». Évoquant le slogan de mai 68 « Soyez réalistes demandez l’impossible ! », il rappelle que « Chaque étape de la civilisation – la fin de l’esclavage, la démocratie, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes… a tout d’abord été une fantaisie utopique »...
Evea- Messages : 80
Date d'inscription : 22/11/2019
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|